Montrer le son !

                   
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Elle observe l'aspect pathétique du petit vagabond saisi par la surprise et ne comprend pas pourquoi il fixe sur elle un regard persistant. Elle est franchement embarrassée, mais elle lui offre aimablement une fleur et  une pièce de monnaie. Ne la quittant toujours pas des yeux, il accepte la fleur. Et, comme elle lui prend la main pour y mettre la pièce, quelque chose d'étrange s'empare d'elle. Petit à petit, elle réalise que ce petit homme est son bienfaiteur. Elle le voit enfin !" (Charlie Chaplin)
Cette scène est extraite des "Lumières de la Ville", film à la gloire du muet contre tous les "parlants" à sa sortie. Un film néanmoins sonore, Chaplin s'étant appliqué à montrer le son et à le faire entendre avec parcimonie.
Dès les premières minutes du film, une scène d'inauguration, Chaplin se moque du parlant en le ridiculisant par un discours politique inaudible. Vient ensuite la scène de la rencontre entre le vagabond et la jeune fleuriste aveugle : cette scène a retardé longtemps le début du tournage... L'objectif de Chaplin est de faire passer le vagabond pour un homme riche aux yeux de la jeune fleuriste.
C'est un quiproquo qu'il s'agit de montrer, et celui-ci repose sur des sons (claquement de portière d'une voiture, signe de richesse du vagabond). Amoureux, le vagabond récoltera de l'argent pour pouvoir offrir à la fleuriste, l'opération qui lui rendra la vue. Il y parviendra, mais sera pris pour un voleur et incarcéré.                         
Arrive enfin la scène de la reconnaissance : le vagabond sort de prison et tombe nez à nez sur la fleuriste.
Si le son est trompeur, le toucher lui apporte la vérité. Dans cette scène, la gestuelle est très importante. Le vagabond ne voulant pas dévoiler sa véritable position sociale esquive les approches de la fleuriste. Et c'est à l'instant précis où elle lui touche la main qu'elle comprend enfin...
- "Vous voyez maintenant?"   
- "Oui, je vois"

Peut-être la scène d'amour la plus émouvante de l'histoire du cinéma...