Je règle mon pas sur le pas de mon fils
"Haut les mains ! Regarde devant toi ! c'est parti ! "
Un pied en avant, le second le rejoint, le premier le double, le second le redouble. Dans la marche, c'est le premier pas qui compte, le second se règle sur les pas du premier.
Les mains sont au-dessus de la tête, serrées par les miennes. Je pourrais être marionnetiste si mon fils ne tentait pas de diriger les opérations. Des cibles diverses l'aimantent : le cerisier en fleur aux branches si basses, la première petite fille venue, un ballon qu'on peut shooter, un ballon publicitaire qu'on peut dégonfler. Le marcheur sourit et découvre la liberté quand une de ses mains s'évade de mes grosses menottes pour glaner un baton, déraciner un piquet, toucher la terre.
Victor est terrien. Ses pieds s'enracinent dans son jardin des plantes et se déracinent très vite. Il est chez lui et arpente en propriétaire terrien son domaine. Le bébé soleil a sa cour, il salue même d'un geste royal les visiteurs et jardiniers. En un joli dimanche ensoleillé, ses courtisans l'élèvent dans le ciel à l'occasion d'un bond géant... Pas besoin de bottes de sept lieues. Deux mains serrées contre les siennes. "1,2,3... et hop !" saut en longeur assisté ! Le rire s'envole vers les cîmes d'un cèdre du Liban et redescend vers un canard se baladant par le plus grand des hasards.
Son déambulateur de père a également le sourire en voyant son funambule de fils chercher son équilibre et oublier la lourdeur de ses petites chaussures aux étiquettes rouges et vertes. Parfois, les mains s'échappent totalement pour s'accrocher aux bancs métalliques. Il en fait le tour avant de subitement s'émerveiller devant un caillou entouré de milliers d'autres. Ce caillou sera capturé, présenté à son public sous un retentissant "bôôôôôôôô".
Quand les cailloux de notre climat tempéré cessent de l'intéresser. Il est temps de partir en boeing sous les tropiques à bord de la Victor mobile. En route vers les grandes serres. L'aventure se joue sous l'arbre du voyageur, le bananier, le cacaotier et une grotte où aurait pu être tournées des scènes d'Indiana Jones, Dora l'exploratrice, Platon l'explorateur et j'en oublie...
Quand les plantes du climat tropical cessent de l'intéresser. Il est temps de partir en pirogue vers la ménagerie où les orang outans et autres singes attendent d'être montrés du doigt...
Bientôt viendra l'heure des petits pas non assistés... ça ne me rajeunit pas.